L’Epazote faisait, auparavant, partir du genre Chenopodium. Son nom d’espèce était Chenopodium ambrosioides. Depuis 2002, elle a été déplacée dans le genre Dysphania et porte, désormais, le nom d’espèce Dysphania ambrosioides. L’Epazote fait, ainsi, partie de la Famille des Chenopodiacées – ou bien alors de la méga-Famille des Amaranthacées pour ceux qui préfèrent la nouvelle classification phylogénétique. Cette espèce est appelé, en Français, “Chénopode fausse-ambroisie” ou “Thé du Mexique”.
Aujourd’hui, le genre Dysphania comprend une quarantaine d’espèces. Il est réparti dans les régions tempérées, sub-tropicales et tropicales.
Dysphania ambrosioides est, sans doute, originaire du Mexique et de l’Amérique centrale. Elle s’est, ensuite, répandue dans l’Amérique Latine. Au Mexique, son nom “epazote” vient du Náhuatl “epaztl” – qui signifie “puanteur”. Ce nom qualifierait, également, le moufette – un mammifère caniforme. Au Mexique, cette espèce est, également, dénommée “acahualillo”, “paico”, “pazote”, etc. Il en existe différents types dont la couleur des feuilles varie du vert au violet foncé. Dysphania ambrosioides est, aujourd’hui, naturalisé dans de nombreux pays – tels que le Maroc ou le sud de la France.
L’usage de cette espèce médicinale est, strictement, déconseillé aux femmes enceintes car c’est une plante, potentiellement, abortive. Il est, en effet, avéré que de nombreuses espèces médicinales très vermifuges sont, également, abortives.
L’appellation “Semen contra” est, parfois, conférée à l’Epazote – qui est une espèce très efficace à l’encontre des vers et de la malaria…. surtout en semences. Le terme “semen” en latin est tout autant nominatif qu’accusatif. Ainsi, il se pourrait fort bien que l’expression “Semen contra” ne soit strictement pas une contraction, de l’expression ci-dessus, mais qu’elle signifie, purement et simplement, “contre la semence” – de par ses propriétés extrêmement abortives. En effet, l’Epazote, dans tous les Amériques Latines, est tout autant réputée pour ses propriétés vermifuges qu’abortives. La définition pour “Semen contra” dans certains ouvrages est un mélange de capitules de nombreuses espèces d’Artemisias. Au milieu du 19ème siècle, il existait commercialement, par exemple, du Semen contra d’Aleppo et du Semen contra de Barbarie.
Usages Ethno-Botaniques de l’Epazote
Aux USA. L’Epazote a été utilisé par les Peuples Creek, Houma, Miwok, Natchez, Rappahannock et Seminole. Chez ces Peuples Amérindiens, l’Epazote possède des propriétés toniques, fébrifuges, sédatives, vermifuges, emménagogues, anti-inflammatoires, antiseptiques, digestives, anti-spasmodiques… [51]
Au Mexique. L’Epazote est une plante médicinale maîtresse qui est abondamment utilisée dans la cuisine – en particulier, afin d’éviter les flatulences. Dans la pharmacopée de l’Amérique centrale, elle constitue, également, la plante vermifuge la plus utilisée traditionnellement.
Cette espèce est particulièrement vermifuge à l’encontre des parasites intestinaux que sont Necator americanus, Ancylostoma duodenale et Ascaris lumbricoides.
Au Mexique. Selon l’ouvrage de Fructuoso Irigoyen-Rascon, “Tarahumara Medecine” (page 188). Les Tarahumara, au Mexique, utilisent l’Epazote pour ses propriétés vermifuges et anthelmintiques avec les enfants, les chevaux, le bétail, les porcs, etc. Ils l’utilisent, également, pour les fièvres, les maux de tête, les troubles digestifs, les douleurs, l’arthrite, les démangeaisons cutanées, la toux, les troubles menstruels.
Chez les Tarahumara, l’Epazote est, aussi, une plante de femmes utilisée pour faciliter l’accouchement – pour le “rikibuma”, la descente du bébé dans le canal – ou pour provoquer un avortement.
Au Mexique. Selon l’ouvrage d’Elois Ann Berlin et Brent Berlin, “Medical Ethnobiology of the Highland Maya of Chiapas” (page 413 et suivantes). Ce sont surtout ses racines – mais, aussi, ses feuilles et fleurs – qui sont utilisées pour leurs propriétés vermifuges. Chez les Maya des hautes terres du Chiapas, l’Epazote constitue la plante vermifuge par excellence et il entre dans des mélanges vermifuges comprenant l’ail, les semences de Cucurbita ficifolia, les feuilles de pêcher et une espèce de menthe.
Chez les Maya de la famille linguistique Tzeltal, l’espèce Helianthemum glomeratum est, également, très utilisée pour traiter les vers et les diarrhées.
Au Mexique. Selon, l’ouvrage de Ramon Pardal, “Medicina Aborigen Americana” (page 263). L’Epazotl de Zorillo constitue le vermifuge par excellence.
Il est accompagné, dans cette fonction, d’autres espèces médicinales telles que Bixa orellana (Roucouyer), Quercus robur (Chêne pédonculé), Veratrum viride (Vérâtre vert), Theobroma cacao (Cacao), Rhus toxicodendron (Sumac vénéneux), Nicotiana tabacum (Tabac), Cuphea lanceolata (Cuphea pourpre), Epidendrum pastoris, etc.
Au Guatemala. Selon, l’ouvrage de Jean-Pierre Nicolas, “Plantes Médicinales des Maya K’iché du Guatemala” (page 149). En tant que vermifuge. Une poignée de feuilles de Dysphania ambrosioides est déposée dans une glume de maïs et chauffée sous les cendres du foyer. Au bout d’un moment, on la retire, on l’enveloppe dans un linge et on applique le tout sur l’ombilic de l’enfant. On effectue l’opération pendant trois nuits de suite. Pour soigner les enfants, l’usage externe est recommandé. Pour cette indication, on peut aussi utiliser les racines moulues.
Les massages effectués avec cette plante servent à remonter la matrice après l’accouchement mais aussi à favoriser la montée de lait.
Au Guatemala. Selon, l’ouvrage “Plants of the Peten Itza’ Maya” (page 159). En sus de ses usages traditionnels (vermifuges, vulnéraires, anti-verrues, etc), la plante est frottée sur l’épiderme avant de visiter des décédés afin d’éviter les infections et de se protéger de leurs émanations psychiques post-mortem.
Au Pérou. Selon, l’ouvrage de Louis Girault, “Kallawaya, Guérisseurs Itinérants des Andes”, (page 184), Dysphania ambrosioides est utilisé, traditionnellement dans les Andes.
Les feuilles fraîches ou sèches, broyées et mélangées à du vinaigre, sur les piqûres d’insectes ou les morsures de vipères – entrent comme condiment dans l’alimentation Indigène.
Les feuilles et tiges, fraîches ou sèches, en infusion, facilitent la digestion et l’évacuation des gaz intestinaux. En décoction comme vermifuge. Broyées et amalgamées à de la graisse de vache ou de taureau, en pommade chaude pour faire mûrir les tumeurs. En décoction avec Kita Paikko (Dysphania chilensis) pour les jeunes enfants victimes du susto.
Les feuilles, tiges et fleurs fraîches ou sèches, broyées et chauffées dans de l’huile d’amande, puis mélangées à de la chikkasa râpée (Neslia sp.), en cataplasme sur l’abdomen dans le traitement de l’hydropisie.
La racine fraîche ou sèche râpée, en décoction contre les diarrhées sanguinolentes.
Les graines broyées et bouillies dans l’eau s’absorbent pour augmenter la mémoire.
Au Maroc. La plante entière est utilisée en infusion ou en jus frais dans les affections gastro-intestinales, la typhoïde, la dysenterie de l’enfant et de l’adulte et comme galactogène. On l’utilise aussi contre les abcès buccaux, les ulcérations et les plaies purulentes, en application locale de la plante fraiche. [50]
En Afrique. La Société Française d’Ethnopharmacologie, sur son site web, propose un dossier extrêmement complet sur les usages médicinaux de l’Epazote dans toute l’Afrique – avec 123 références bibliographiques. [49]
Il est à noter que, selon l’ouvrage “A review of plants used in divination in southern Africa and their psychoactive effects”, cette espèce possède des usages rituels et magiques. Effets psychoactifs: les feuilles de Chenopodium ambrosioides sont utilisées par des devins sud-africains dans un mélange qui est brûlé pour invoquer les ancêtres ebaso et peut être utilisé comme un tabac qui a une action enivrante Tsonga. Effets psychoactif: la plante est utilisée dans les rituels de pluie avec d’autres plantes psychoactives comme Datura stramonium et Avonia rhodesica.
Qualités Médicinales de l’Epazote
Selon l’ouvrage de James Duke “Handbook of Medicinal Plants in Latin America”. Dysphania ambrosioides se caractérise par des propriétés abortives, acaricides, amébicides, analgésiques, anti-émétiques, anthelmintiques, anti-aflatoxigéniques, anti-inflammatoires, anti-asthmatiques, anti-paludiques, anti-oxydantes, antiseptiques, anti- spasmodiques, anti-tumorales, antitussives, anti-mutagéniques, bactéricides, calmantes, cardio-toniques, carminatives, contraceptives, cytotoxiques, dépuratives, diaphorétiques, digestives, diurétiques, emménagogues, fébrifuges, fongicides, génotoxiques, hépatoprotectrices, hypotensives, insecticides, lactagogues, myorelaxantes, narcotiques, nématocides, nervines, purgatives, sédatives, sudorifiques, toniques, vermifuges…
Des investigations pharmacologiques modernes ont ainsi mis en évidence ses qualités anti-spasmodiques [6], calmantes, digestives, myorelaxantes, cytotoxiques [41], anti-oxydantes, anti-diabétiques, anti-cancer [34], antitussives [42], anti-prolifératives [13], anti-paludiques [40], anti-convulsives [43], anti-nociceptives [47].
Une étude de 2020 intitulée “Effect of chitosan and Dysphania ambrosioides on the bone regeneration process: A randomized controlled trial in an animal model” [5] a mis en lumière l’extrême capacité de régénération osseuse, en synergie avec du chitosane, de cette espèce médicinale.
Selon une étude de 2021, Dysphania ambrosioides peut, également, être utilisée en phyto-remédiation, à savoir afin de nettoyer les sols pollués – en particulier, par le cadmium, le plomb, le zinc, le chromium, le cobalt, le manganèse, etc. [8] [11] [14] [16] [21] [22] [32] [48]
A la lumière de ses capacités de bio-accumulation et de phyto-remédiation, Dysphania ambrosioides peut, également, s’avérer une plante essentielle dans l’élimination des métaux lourds du corps humain.
Ainsi une étude de 2020 a mis en exergue ses capacités pour détoxifier le foie et les reins de la présence du mercure. [31]
Dysphania ambrosioides contient, également: stigmastérol, β-sitostérol, acide octadécanoïque, scopolétine, piperoylpiperidine, rutine, querdétine, chrysine.
Qualités Médicinales de l’Huile Essentielle d’Epazote
Il existe de très nombreuses études portant sur les composants de l’Huile Essentielle d’Epazote. Ainsi une étude de 2016 intitulée “Caractérisation chimique des huiles essentielles de Chenopodium ambrosioïdes de quatre regions du Maroc”.
Selon une étude publiée en mars 2021, intitulée “Dysphania ambrosioides essential oils: from pharmacological agents to uses in modern crop protection – a review”, qui porte sur l’utilisation de son huile essentielle dans la protection des récoltes agricoles.
L’huile essentielle de Dysphania ambrosioides possède des activités pharmacologiques potentielles, telles que des activités antitumorales, antiprotozoaires, allélopathiques, antivirales, immunorégulatrices, anti-inflammatoires et antioxydantes. La plupart des huiles essentielles de Dysphania ambrosioides, caractérisées chimiquement, contiennent de l’ascaridole, de l’α-terpinène, du p-cymène et de l’oxyde de caryophyllène comme composants principaux. Elles se caractérisent par des activités antibactériennes, antifongiques et insecticides efficaces contre les ravageurs et les pathogènes des cultures économiquement importantes. Ainsi, l’huile essentielle de Dysphania ambrosioides, et ses principaux constituants, peuvent être utilisés comme des pesticides botaniques potentiels pour la protection des cultures après une évaluation à grande échelle. [17]
Cette étude a passé en revue les divers composants de l’huile essentielle de Dysphania ambrosioides en fonction des écotypes et de leur provenance géographique. Selon le tableau suivant, [18] les composants principaux sont ascaridole, α-terpinène, p-cymène, oxyde de caryophyllène, limonène, pinocarvéol.
Il est à noter que le taux d’ascaridole varie énormément en fonction des écotypes: de 3% à 61%. C’est, vraisemblablement, cette variation en ascaridole qui explique les résultats divers obtenus dans les études cliniques visant à prouver l’efficacité vermifuge de cette espèce médicinale.
L’ascaridole possède des propriétés analgésiques, anthelmintiques, anti-flatulences, carminatives, fongicides, nématocides, pesticides, sédatives et vermifuges.
Selon une étude Brésilienne, le compost de caille augmente le taux d’ascaridole dans les feuilles tandis que le compost de poule l’augmente dans les inflorescences. [27]
L’huile d’Epazote possède une activité insecticide. Elle a été testée à l’encontre de très nombreux insectes: les moustique Culex quinquefasciatus [9], Aedes aegypti [37] et Anopheles gambiae, Drosophila melanogaster, Musca domestica, [2] Prostephanus truncatus (Grand Capucin du maïs), Trogoderma granarium (Dermeste du grain) [15], Sitophilus zeamais (Charançon du maïs) [19], Melanaphis sacchari (Puceron de la canne à sucre et du sorgho) [20], Alphitobius diaperinus [28], Dactylopius opuntiae [29], Spodoptera frugiperda (Noctuelle américaine du maïs) [33], Bemisia tabaci, (Aleurode du tabac) [35], Myzus persicae (Puceron vert du pêcher) et Aphis gossypii (Puceron du cotonnier) [38], Zabrotes subfasciatus (Bruche brésilienne) [39], Hyalomma aegyptium (Tique de la tortue), Acanthoscelides obtectus, Amblyomma cajennense (Tique de Cayenne), Antestiopsis intricata [46], Hypothenemus hampei, Bactericera cockerelli, Frankliniella schultzei, Copitarsia decolora, Callosobruchus chinensis, Callosobruchus maculatus, Clavigralla tomentosicollis, Tetranychus urticae, Plutella xylostella (Teigne des crucifères) [44], Tribolium castaneum (Petit ver de farine), Lycoriella ingenua.
L’huile d’ascaridole (extraite des semences de l’Epazote) a été inclue dans les Pharmacopée officielles du Mexique et des USA entre 1820 et 1947. Elle faisait, même, partie de l’US National Formulary jusqu’en 1960 – et elle y était classée comme remède anthelmintique.
Elle possède, également, une activité nématocide, par exemple à l’encontre de Meloidogyne incognita [26], de Haemonchus contortus [30], de Meloidogyne chitwoodi et des nématodes du genre Dorylaimida; une activité molluscicide à l’encontre de Biomphalaria tenagophila; [4] une activité vermifuge à l’encontre de Schistosoma mansoni; une activité amébicide.
Une étude de 2021 a mis en exergue les capacités somnifères de son huile essentielle. Dans cette étude, il semble que ce soient les deux composants majeurs, de l’écotype analysé, qui conféraient une telle capacité calmante – à savoir l’ascaridole et le p-cymène. [25]
Selon diverses études, son huile essentielle possède une activité myorelaxante qui a été validée tant sur les rats que sur les porcs. [2] [3] Cette activité relaxante serait, en grande partie, due à la présence d’α-terpinène.
Il est conseillé d’utiliser l’huile essentielle d’Epazote avec prudence car des excès peuvent induire des étourdissements, des nausées, des convulsions, des ulcères… et même la mort – ce qui est, souvent, le risque avec de nombreuses huiles essentielles.
Diverses études ont mis en exergue ses capacités anti-microbiennes à l’encontre de Trypanosoma cruzi, [1] de Leishmania amazonensis, [10] de Staphylococcus aureus et de Pseudomonas aeruginosa [12], de Bacillus subtilis et de Candida albicans [23], de Colletotrichum gloeosporioides, de Fusarium oxysporum, de Phyllosticta citricarpa, de Botrytis cinerea.
Une étude Brésilienne, de 2018, a mis en exergue ses capacités anti-microbiennes à l’encontre de Staphylococcus aureus, Enterococcus faecalis, Pseudomonas aeruginosa, Paenibacillus apiarus, Paenibacillus thiaminolyticus, Mycobacterium Mycobacterium smegmatis et Mycobacterium avium. [36]
Une étude Indienne, de 2013, a mis en exergue ses capacités anti-microbiennes à l’encontre d’Aspergillus flavus, Aspergillus niger, Aspergillus terreus et Aspergillus ochraceus. [45]
Autres Espèces Médicinales de Dysphania
Dysphania schraderiana est utilisée en Pologne pour ses qualités insecticides et également rituelles. Un encens est réalisé à partir de la plante. [24]
Dysphania botrys possède des qualités diurétiques, anti-spasmodiques, carminatives, antidiarrhéiques et anti-cancer. [7]