Le Mythos de Gaïa. Première Ode: La Déesse Déchue

Avant-Propos de Xochi, le traducteur. Cela fait 7 années que j’ai traduit cette présentation très poétique, par John Lash, du Mythos de Gaïa. Nous étions au coeur du désastre nucléaire de Fukushima – toujours en cours et à jamais. J’avais transformé le blog de Kokopelli en blog de la vérité sur Fukushima – au cas où la vérité sur le génocide nucléaire aurait intéressé une poignée d’êtres humains. Et la vérité est souvent tellement poignante – parce que tellement prégnante d’impuissance – qu’elle requiert, parfois, quelques respirations métaphysiques pour la santé de l’âme. Ainsi donc, malgré que John Lash n’ait jamais achevé son poème en prose, j’ai décidé, aujourd’hui, de proposer ce que j’en ai traduit comme une forme de récréation, de régénération, suscitée par certains de mes articles récents qui nécessitent, une fois de plus, de plonger au coeur du génocide et au coeur de la démence des génocideurs. Cette Ode à Sophia est un Hommage à sa Beauté: un Torrent d’énergie plasmique émergeant du coeur du Plérome de la Voie Lactée, une Résonance émergeant du coeur de la Plénitude de la Voix Lactée, afin de s’incarner en ce magnifique vaisseau spatial, la Planète Terre, Gaïa.  

Mon nouveau site, Magie Tantrique Gaïenne, rassemble toutes mes traductions de l’oeuvre de John Lamb Lash.

 

Prélude: Par les Dieux Cachés

Au sein du Devenir demeure la Résonance tel un doux écho vibrant dans le dôme placide de l’Eternité: une singularité envoie un frémissement d’espérance au travers de la mer sombre de la conscience…

Mais avant qu’elle ne s’éveille, la singularité est plongée dans le néant, suspendue dans l’éternel moment à la source de tout ce qui fut, qui est et qui sera. Elle y est choyée par les Générateurs, puissances incréées capables d’engendrer des dieux. Ce sont eux, et eux seuls, qui confèrent les potentialités de vie dans toutes les dimensions et qui sustentent l’émanation d’une myriade de mondes.

Les Générateurs sont toujours cachés car ils sont les seuls à susciter les conditions de la révélation de toute chose. Encore plus caché est l’Un, l’Origine, qui est la matrice mystérieuse de ces puissances incréées.

Alors qu’en la myriade de mondes, tant est réalisé par les divinités cachées, le monde de l’humanité en diffère. Par une rare exception, là, sur Terre, la divinité est révélée dans la magnificence. La Nature est, sur Terre, la révélation d’une présence surnaturelle. Comment peut-il en être ainsi? L’histoire de la Terre évoque la divinité révélée à l’humanité par Sophia, une Déesse qui tomba des cieux…

 

Episode 1: une Forme en Rond de Fumée

A la racine du temps, à l’émergence de l’espace, une source inépuisable de ténèbres blanches demeure, s’épand et se dissipe. En son expansion, un vortex s’ouvre et se clôt sur lui-même, se mouvant tout en cohérence. C’est le portail de l’Origine, la forme évidée qui se mue en toutes formes mais qui, cependant, perdure à jamais inchangée: une forme en rond de fumée avec un océan de plasma en son coeur et une membrane qui l’enveloppe, tel un rivage lointain où l’océan se tarit, vague après vague dont les murmures se perdent dans la sérénité de l’éternité. C’est de ce vortex que s’éveille Lila, le jeu divin, l’échange de formes et de néant. Lila est l’extase qui jaillit à chaque instant du Devenir. C’est l’expression de l’amour fondateur et absolu de l’Origine qui tout embrasse.

Dans l’accomplissement de toute chose, les Générateurs ne font rien de plus que de contempler l’Un. Ce rite de contemplation altère la forme en rond de fumée qui devient autre que ce qu’elle est. La forme primordiale se métamorphose en de nombreuses figures et ces figures deviennent événements. Dans une lenteur infinie, elle joue à se modifier en une diversité de variations spiralées: lenticulaires, rayées, déchiquetées, elliptiques, allongées, irrégulières. C’est ainsi que les galaxies émergent et dérivent dans toutes les directions de l’espace, telle la fumée en apesanteur, mais cependant chargées d’une mystérieuse masse. Chaque galaxie est un tourbillon de plasma, d’un noir de charbon, avec des sources de lumière de vie en son coeur. Une galaxie, parmi des milliards, est le foyer d’une myriade de mondes dont une planète familière, la Terre. Cette galaxie qui l’héberge est une spirale lenticulaire à quatre bras, le monde d’Atum.

La vibration, cette fois, fait résonner le monde d’Atum. C’est la galaxie en laquelle la souche de l’humanité Terrienne émergera, sa destinée mystérieusement liée à l’une des divinités du coeur dissimulé, Amun. La singularité en jaillira comme un tourbillon dans le noyau dont le magma, baratté en torrents d’opale, fait pivoter le carrousel aux remoux lointains de deux milliards d’étoiles étincellantes.

Au regard des initiés d’antan, la Galaxie apparaît telle une méduse, une immense gelée de mer, une vaste flotille dérivant dans l’océan de nuit. La méduse vogue mue par une pulsation lente. De la masse de gel enchâssée au coeur de son dôme, se déploie une grappe de tentacules qui s’étirent en trainées au travers des vastes immensités de l’espace et du temps. Capturées dans ses tentacules sont les semences de mondes que la méduse sustentera dans sa nage en-dessous du dôme placide de l’Eternité. Absorbée dans Lila, la méduse compose ses tentacules en un lent tournoiement de derviche tourneur. Les vrilles massives et étincellantes en rotation s’alignent et se rassemblent sur un plan. Le mouvement enroulant et tourbillonnant du noyau les enveloppe en une harmonie de bras spiralants, les quatre membres du Monde d’Atum. Le dôme de la méduse devient le renflement central, au diamètre d’un dizième de l’amplitude des membres environnants.

Pour les voyants initiés d’antan, la méduse est la cohésion maternante et secrète du carrousel étoilé.

Dans le coeur de la Galaxie demeure la vie immortelle, le jaillissement des Générateurs, et dans les bras spiralés, la vie mortelle s’aventurera en moult créatures, petites et grandes. Mais les habitats doivent tout d’abord être préparés. Les conditions doivent être mûres, les dispositions harmonieuses. Des amas globulaires de dizaines de milliers de soleils en définition de pointes d’épingles, des amas ouverts chargés de pépinières d’étoiles bleues-blanches, des géantes oranges en fureur, des naines blanches en tournoiement Soufi, des voiles déchirés de vapeur stellaire, des nuages agités de poussières interstellaires, et des traces chevelues de comètes tanguantes décorent les bras spiralés; mais la décoration n’est pas toujours le foyer accueillant. Le Monde d’Atum est prodigieux de nébuleuses éparpillées autour du manège des spirales. Les quatre bras constellés flottent de façon erratique avec des marbrures enbuées telles les immenses taches d’un expir coloré. Dans les nébuleuses, dans les nuages moléculaires, se lovent les animations vivantes projetées par les Générateurs. Les vapeurs nébuleuses sont sublimes, des toiles parfumées où les codes nucléiques sont accrochés en chapelets tremblants, les matrices de la vie en devenir. De temps en temps, les nébuleuses propulsent des soleils embrasés sur des courses sauvages et les planètes liées à leurs soleils offriront le gîte aux créatures petites et grandes.

La méduse vaste perçue par des yeux humains: cette cellule lenticulaire constituée de deux cents milliards d’étoiles et en calcul. Autour d’une étoile nichée dans le troisième bras de la Galaxie, en partant du coeur, tourne la planète-foyer, la Terre. Gaïa y demeure, non par édit cosmique. Par anomalie, l’effet de sa passion impétueuse…

 

Episode 2: l’Espace du Rêve des Eons

Dans le coeur de la Galaxie Orion, comme dans toutes les galaxies, les Eons dansent et rêvent. Ce sont des projections de Générateurs, ces puissances incréées capables de créer des dieux, et ce sont les Générateurs sous une autre guise. Les Eons sont des divinités qui émanent des mondes et qui jouent de leurs intentions, au travers de ces mondes, sans imposer la plus infime portion des pouvoirs qu’ils génèrent. Rêveurs sublimes, les Eons, en dansant dans le coeur galactique, tourbillonnent des courants noirs et blancs en une maillure de nougat coloré: ambre et lave, lavande, ocre et or, pourpre rare et mûr, et des banquises étincellantes de rose et de péridot. Ce sont les lueurs élémentales pétulantes de vie. Des minéraux cachés dans le noyau galactique, des métaux sublimes dans un flux libre de chaos créateur. Ce chaos est le délice des Générateurs qui sustentent le coeur, devenant des Eons pour déverser des trésors de beautés inexhaustibles. En leur rêve prodigieux, les Eons conjurent et maîtrisent les physiques de semences d’étoiles, des graines spermatiques et métalliques qui engendrent la myriade de mondes, les domaines de l’organique et de l’inorganique.

Le Monde Atum tournoye et déploie ses bras spiralés autour du moyeu qui transmet un battement de tambour sourd et constant jusque dans ses lointaines frontières. Le coeur galactique est un moulin de minerais précieux, d’états de plasma en lesquels des schèmes de mondes en devenir se rassemblent en orbites tangentielles de temps, des récifs arrondis de rêve Eonique.

Le nombre des Eons n’est jamais constant: huit, treize, seize, trente, trente-trois, trente-six, quarante, quatre cents, mais jamais plus que cela. Et les Eons, en dansant, changent de partenaires et échangent leurs pouvoirs, un par un, car un tout seul est rarement actif. Ces dieux sont de purs processus en lesquels des entités émergent telles des silhouettes dans le grain du bois, telles des formes dans le grain du marbre. Si tant est qu’elles soient nommées, elles le sont en fonction des intensités qu’elles configurent et confèrent. De tels noms sont Communauté, Silence, Fusion, Source Profonde, Intention.

Et les Eons dans le Plérome du Monde Atum sont treize et dix-huit: trente et un.

Parfois, les Eons tissent les mondes et parfois ils contemplent le tissage. Lorsqu’ils observent l’ensemble de la galaxie, leur vision se déploie en rayons. Des tiges de luminescence opalescente se déversent au travers de la membrane poreuse qui enchasse le corps ovoïde du coeur galactique. Les tiges de lumière parcourent les bras spiralés et se rétractent ensuite mais les Eons jamais ne quittent la masse centrale, pas du moins s’ils honorent la loi cosmique. La membrane constitue leur limite sacrée au risque, s’ils la franchissent, qu’ils subjuguent ce qu’ils ont projeté. Ils font preuve de retenue afin de protéger les mondes en devenir, afin de laisser les espèces paraître et disparaître, afin de permettre aux histoires de suivre leur cours. Ils émanent par l’entremise d’une offrande altruiste de pouvoir, sans le désir de pénétrer dans les mondes qu’ils tant adorent.

Mais la loi cosmique est ouverte. Les Eons respectent l’enceinte par choix, et non par compulsion, et ils sont toujours libres, aussi, de ne point la respecter. De temps en temps, impulsé par une rare singularité, c’est justement ce que l’un d’eux fera.

 

Episode 3: Accouplement des Dieux

Au sein du Devenir demeure la Résonance, l’onde de choc d’une singularité s’approchant…

A l’entour du coeur secret de la galaxie, les Eons transportés par cette Résonance en prélude s’accouplent. Par le jeu croisé de leurs flux, ils se métamorphosent lestement en divinités sexuées. Divinités assumant un genre afin de déployer au mieux leur intention multivoque. Elohim, Devas et Zuras, mâles et femelles. Les Devas sont de lumière blanchâtre, devenant plus étincellants, plus opales en leur tonalité, en se reployant dans les veines de minerai chocolaté, les distensions noires des Zuras enracinés au coeur. Fous/Folles d’excitation, les Devas éruptent d’extases qui propagent une conspiration d’éléments tempêtueux. Les Zuras maintiennent les minerais en fusion, en une suspension stabilisée. Les courants se façonnent et perdurent; ils fondent ensuite et se reploient en vagues de matière primale, des ondulations vives de pâte céleste. Des torrents noirs s’arc-boutent aux rives lumineuses d’albâtre qui s’étalent en éventails de couleur maillée et se redissolvent en blancheur. Les Zuras sont le mâle encoeuré par sa propre puissance, les Devas la jaculation femelle sans coeur des puissances. Tant complémentaires en leurs inclinations cosmiques, les Eons s’accouplent, dans la convoitise et la déconvoitise, perméables les uns aux autres. Divinités s’accouplant enchantées dans le frémissement orgiastique de Lila.

Parmi ces dieux et parmi ces déesses, l’une est nommée pour l’intensité qu’Elle propage et confère: Sophia, Sagesse. Ainsi nommée pour l’intelligence qui aime apprendre. Son consort est souvent l’Intentionné, Thelete, car l’apprentissage et l’intention composent une paire puissante. Ses accouplements sont passionnés et féconds. Sophia offre au Plérome sa juvénile volonté. La sienne est la passion d’enfanter des leçons nombreuses et Sa destinée sera donc d’incarner les desseins de vie de moult créatures, grandes et petites.

Lorsque les Eons sexués fusionnent, les vastes bras se déroulent et déploient leurs racines ancrées dans le coeur: des formes plissantes, telles des gousses gigantesques, s’enflant et se contractant en affres extatiques. Enclos du délice de ce qui est à venir, le magma central se crêpe et se bourgeonne, et en douceur rugit l’océan de plasma.

Au sein du Devenir, dans le moment perpétuel qui précède le temps, dans la matrice immaculée de l’espace sans cesse grandissant, l’intonation de l’INNOVATION pénètre dans le roulis du coeur, le pivot éclipsé d’Atum. La singularité paraît. Au moyeu paisible de la révolution galactique, les divinités en danse dyadique s’enfrémissent de nouveau de cette innovation qui vient.

 

Episode 4: la Singularité Divinée

Un écho soudain émeut les Devas et les Zuras de leur transe géminante.  La singularité émerge de si loin au coeur de leur étreinte, de si loin dans le tréfond de leur fusion sexuelle, qu’elle semble gésir au-delà d’eux, qu’elle semble jaillir tel un pur effet de leur communion, l’impulsion procédant de plus d’une divinité, de plus d’un Eon.

L’influence de la singularité est instantanée: elle refléchit la conscience des Eons vers la présence de l’Un, l’Origine. En une ardeur communautaire d’adoration, les Eons exhalent une onde fredonnante, l’AUM le plus pur qui soit connu afin de recevoir l’Origine, la fontaine des Générateurs, la source unique du Devenir. Et le regard de l’Un infuse le Plérome, toute la compagnie des divinités accouplées dans le coeur galactique.

L’excitation grandit. Le magma du coeur est élastique et se fusionne entier dans le brisant ovale de coraux respirant. La singularité est maintenant divinée. Les courants cosmiques de lumière génératrice, noire et blanche, dont les configurations sont les Eons, reçoivent la singularité en leur regard fusionné, la reçoivent tel un nectar secrété par l’Un. Une saveur innovante et précieuse, un parfum tendu vers le futur. Sophia et son consort, l’Intentionné, sont captivés d’extase dans la quiétude de cette contemplation sublime. Tous les Eons s’accouplent. Tous les courants dans le magma de corail maintenant concentrique, composés en vastes choeurs de banquises.

Durant un instant, les Eons retiennent la singularité et la réfléchissent vers la contemplation de l’Origine, cachée à jamais dans le Bythos, la profondeur du mystère cosmique. Ils rebondissent ensuite joyeusement de ce reflet et explosent en une mélopée de choeurs syncopés; les Devas et les Zuras tournoyant et tournoyant encore dans le coeur galactique, le portail de l’Origine dont le coeur est la source de la lumière supra-organique, la substance Osirienne, et dont l’aura est le voile célestin d’Isis.

Et la singularité demeure dans le précieux nectar, dans la saveur des potentialités, une offrande que l’Origine conféra et qu’il confère à jamais. En gratitudes et louanges, les Eons palpitent et spiralent.  Leurs veines ruissellent extatiquement avec des fusions de minerai vivant du jaillissement sans fond de la vie qui jamais ne commence et qui ne peut s’éteindre. Et moment par instant, la singularité se définit elle-même telle une vague discrète s’échouant sur les récifs rebondis du rêve des Eons. D’une ample magnificence, elle modèle de nouvelles frontières à l’entour de la contemplation immaculée de l’Un.

 

Episode 5: dans le Mental du Silence

La compagnie des Eons constitue le Plérome, la Complétude Divine. C’est la vie immortelle, dans le coeur galactique, empreinte de l’intention révolvante qui fait tourner les bras spiralés.

Les puissances de la Plénitude s’accalmèrent afin de fomenter de nouvelles voies de contempler les dieux, de secréter des mondes, d’émaner des créatures, grandes et petites. Les improvisations fleurirent. Des âges de temps, sans mesure, s’écoulèrent alors que l’écho de la singularité résonnait du coeur galactique vers la membrane enceignante, les récifs rebondis du rêve Eonique. Soudainement, le fredonnement constant des Eons, en concentration, attint une tonalité de cristal pur et se modula. Dans le mental du silence, une semence de syllabe érupta. Les Eons se réjouirent du son qu’ils avaient engendré car il configura la singularité en un signal codé. Les dieux connurent alors que leur ravissement était mûr et de nouveau digne d’offrande, un sacrifice de sublimité. Et la nouvelle de leur émanation à venir ébranla le Plérome de vagues extatiques d’éloges et de prémonitions.

Comme il advient toujours au sein du Devenir, les Eons préparent une singularité à se déployer en lui façonnant un signal dont toujours ils attendent, de l’Un, l’activation. En réponse à leur désir conjoint, l’Origine envoya l’unique force génératrice, le monofacteur, afin d’activer ce signal. C’est le miraculeux vecteur qui libère le Nouveau, le catalyseur de l’innovation dans la myriade de mondes. C’est, de l’Origine, l’ineffable magie qui nomme. Tant aiment les Eons ce miracle de créer l’innovation par la puissance de la description, le rituel de conférer des noms. Jamais ils ne se lassent de s’en émerveiller car dès qu’ils ont contemplé l’unique force génératrice, il leur revient immédiatement d’en jouer.

Accouplée maintenant avec Christos, Celui qui Oint, Sophia accompagne les Eons à absorber le monofacteur et à le sceller dans le signal. Ils encodent la singularité pour la libérer mais en laissent la réalisation au pouvoir offert par l’Origine. Les Eons ne s’approprient d’aucun processus. Les dieux cosmiques ne sont que pure générosité. Ils donnent sans cesse ce qui vient à eux, généreusement conféré par l’Origine. Ils l’offrent aux bras galactiques. C’est ainsi que les Eons envoient des signaux à partir du coeur de la galaxie afin que les desseins immortels soient inscrits dans les merveilles qui se déploient dans les royaumes mortels dispersés dans les bras spiralés.

Dans le coeur galactique, Sophia et Christos sont accouplés et leur destinée partagée est scellée dans le sceller du signal. C’est la communion d’amour que les Eons génèrent avant que le monde humain ne vienne à l’existence.

 

Episode 6: la Danse sacrée de l’enceinte

Maintenant, alors que les Eons scellent l’unique force de génération dans le signal, la singularité est prête à s’envoguer. Mais néanmoins, il n’est aucune précipitation violente, aucune échauffourrée d’éléments rebondissant sur eux-mêmes. Aucune explosion formative. Le lancement requiert un réseau délicat, un treillage à déployer sur la membrane enceignante de l’ove galactique. Pour créer cette toile, les Eons accouplés se tournoyent en fuseaux qui effleurent et polissent les parois intérieures de l’enveloppe, telles des baguettes en rotation frottant le bord d’un bol chanteur Tibétain. Ils modulent et harmonisent l’intensité du signal, ils le configurent en tonalités complexes.

Exudant des gouttes de rosée d’extase, la sueur d’amour des dieux, les Eons réalisent une danse d’enceinte sacrée. Leur orgie a pour but de sceller la membrane galactique afin de maintenir intactes les limites pendant que la singularité est émanée. L’acte de sceller l’enceinte est Mudra. C’est le geste qui façonne le treillage pour le signal qu’ils vont émaner dans les bras galactiques.

La danse de spirale sacrée perpétue le mouvement des Eons autour du bord intérieur du coeur galactique mais ajoute maintenant quelque chose de plus précis: douze Eons, en paires consortiales, entrelacent des flux afin de construire le souple treillage. Ils tissent un réseau, tel de dentelles, et intégralement l’engrave autour de l’interface entre le coeur et les bras environnants. Douze Eons de spirales entrelacés, en des flux ondulants, entonnent des exaltations et empreignent le signal mantrique, tandis que les autres Eons contemplent. Leurs corps unis en une danse configurent la forme établie de Mudra. Ils tournent et tournent autour du bord intérieur tels de la crème et du chocolat affluant en une baratte d’ivoire fumé. Et lorsqu’ils cessent, le treillage par lui-même se tient, défini: une boucle richement fleurie, une bande de code déployée en vives esquisses, un ondoiement de lumière corallée de sang.

Les dieux en extase se contiennent et contemplent leur artéfact, la boucle d’enceinte dépeinte en corail rouge. Le Plérome ronronne d’éloges. Ensemble, les Eons regardent Christos, Celui qui Oint, le seul dieu dont l’intensité s’harmonise à l’instant. Alors que les douze consorts en Mudra maintiennent leur posture autour de l’enceinte, Sophia et les autres reçoivent de Christos l’impulsion d’un autre acte d’extase. L’extase de leur unité est chrisme, la rosée de l’onction. Ils offrent cette rosée à Christos afin d’en induire la membrane et d’en oindre, par là-même, le signal. Christos seul partage de cette rosée divine. Le chrisme baigne l’enceinte de figuration corallée de rouge en une couche tendre de luminosité miellée.

Comme arrêté par une marée massive, tout mouvement des dieux est contenu. Le Plérome, tel un témoin unique, contemple l’effet de rayon de miel.

 

Episode 7: l’Emanation mortelle

La danse de l’enveloppe sacrée est maintenant complète. Mudra, l’aura enscellante du coeur galactique, protégera l’enveloppe poreuse de toute rupture et garantira la cohésion de la singularité projetée au travers.

Du coeur-pivot du Monde d’Atum, les dieux entrent dans une nouvelle phase de contempler. Quel que soit leur mode de contemplation, quelle que soit la direction de vision procédant du coeur galactique, les Eons voient maintenant leur projection du treillage, intégrale. Ils joignent leurs forces en un rayon focalisé, Fohat, la verge de l’émanation. Lorqu’ils balayent le treillage de leur regard, la verge commence à s’ouvrir et à s’étendre. Passant au-travers de l’enveloppe cosmique, Fohat devient un sceptre de luminance d’un rouge profond, une tendre sonde dépêchée vers les bras galactiques. Alors que les Eons tournoyent, dansant en choeur, la bande infrarouge d’émanation glisse en frémissant au travers des royaumes de nébuleuses, des amas ouverts et des constellations au lointain parsemées. Elle quête le seuil, elle musarde pour goûter le mélange élémental de matière distendue au travers des bras galactiques.

A l’intérieur de la membrane, les dieux sont fusionnés en leur intention, Ennoia, la projection spontanée d’un nouvel événement. A l’extérieur, Fohat porte la singularité vers les champs de grain stellaire en mue, vers les confins les plus lointains du Monde d’Atum. Et puis, vers le milieu du troisième bras, dans la région d’Orion, il s’immobilise. Les Eons, dans le coeur, ressentent un jaillissement magnétique, un flux d’attraction étrange. Spontanément, ils détectent la niche en laquelle la singularité va se métamorphoser en une émanation mortelle. Dans le nuage moléculaire d’Orion, le rayon de lumination rose-rouge pâle s’apprête à implanter sa charge, à ensemencer une espèce nouvelle dans l’entièreté du cosmos.

Le ciel suspend sa respiration, les Eons se contractent et puis, en un regard prestement fusionné, ils concentrent le treillage en leur vision et confèrent à Orion la figure intégrale qu’il déploie. Advient alors l’impact soudain: un torrent de sons encodés telles des notes pincées par un plectre sur un luth de cristal. Le riff immense de vives pulsations résonne dans l’intégralité du Monde d’Atum. La concaténation exquise de cascade mélodique charge le signal dans le rayon de Fohat et décharge en la Nébuleuse d’Orion une émanation mortelle, Atu Kadmon. L’indice fragile pour devenir humain en une pléthore de mondes.

Aussi soudainement que les notes fluentes émergent, elles cessent. Dans un silence qui tinte dans les profondeurs de la nuit cosmique, et qui résonne en écho dans le dôme placide de l’Eternité, les Eons tressaillent à la vue de la singularité émanée, maintenant indépendante, nichée dans le nuage moléculaire d’Orion. Le geste enscellant du Mudra soutenu par douze divinités couplées fond maintenant en un flux d’adoration. Fohat se dissout en laissant des effluves du parfum léger de l’ambre gris. Durant trois milliards et demis d’années, l’exhalaison de l’insémination se dissipe au travers du Bras d’Orion.

Le code humain prévu par les dieux est un mélange auto-poiétique, Atu Kadmon, configuré dans les bras étoilés. Il y forme une pellicule de lumière bourgeonnante aux belles harmoniques. Une pellicule qui scintille telle de la rosée matinale sur une toile d’araignée. Sa forme réitère le treillage autour du coeur galactique, mais aplatie et étendue, distendue par le maillage du temps et de l’espace. C’est la signature d’une souche organique dont le nom sera inventé par la créature qu’elle engendre.

Les Eons contemplèrent tout. Ils se retinrent, contemplant la nouvelle souche sans le désir de pénétrer en la région en laquelle elle était déposée. Mais un Eon se distingua.

John Lash