Histoire de la Guirlande Magique. John Lash.

 

Fable Enthéogénique dans la Légende d’Arthur

“C’est le moment, maintenant, des histoires sauvages, qui peuvent chasser la joie et provoquer l’exubérance – elles luttent avec ces deux”. Wolfram von Eschenbach. Parzival. Chapitre 10 (ouverture des épisodes de Gauvain).

Après avoir étudié l’amour et la transcendance dans la Romance Arthurienne, au cours de plusieurs leçons, il est temps de reprendre un thème essentiel de la quête du Graal: la blessure du Roi Pêcheur. Il pourrait sembler que nous ayons déjà abordé ce sujet sous plusieurs angles et que nous ayons déjà bien cerné la problématique. Mais, en fait, nous n’avons pas encore élucidé la clé essentielle de cet élément de l’histoire. Cette omission n’est sans doute pas surprenante car il existe un thème crucial de la Légende du Graal qui a été négligé par presque tous les érudits qui ont écrit sur le sujet. Cette omission est dûe à une astuce littéraire utilisée par Wolfram von Eschenbach pour tenir ses lecteurs à l’écart d’un secret en en débattant de manière désinvolte et détournée.

C’est ainsi que le poète protégea le secret initiatique encodé dans la Légende.

 

Gauvain et Perceval

Les érudits qualifient la technique narrative de Wolfram d’entrelacement. Dans sa description de la quête du Graal, le poète entrelaça le thème de la Quête avec un autre thème, apparemment secondaire, qui s’exprime par les aventures magiques de Gauvain. Aux yeux des érudits, cela semble être un stratagème de morale afin de contraster le caractère spirituel de Perceval avec le caractère mondain de Gauvain. Les érudits nous prient ainsi de croire que deux types de chevaliers sont en scène, le type de Gauvain ne méritant pas d’atteindre la réalisation suprême. Dans The Literature of the Middle Ages, W. T. H. Jackson écrivit au sujet de Gamuret, le père de Perceval: “il se tient en dessous des grandes figures de la communauté  du Graal en raison de son manque d’inclination religieuse” (page 118). Il aurait pu en dire autant de Gauvain.

Mais le héros secondaire Gauvain n’est pas ce qu’il paraît être. Afin de mieux percevoir comment les aventures de ce fripon coureur de jupons encodent le sujet crucial de la Légende, revoyons l’histoire de son jeune acolyte, Perceval.

La communauté noble du Graal vit sur le Mont Salvage dans la Terre Gaste, la terre dévastée: la nature y est tombée dans un état de décadence, un reflet de la décadence de l’esprit humain. Bien qu’ils soient sustentés par le Graal, les nobles de la famille du Graal sont incapables de partager cette nourriture avec le reste du monde. Le roi du Graal, Amfortas, qui souffre d’une grave blessure aux cuisses ou à l’aine, peut être soulagé de sa douleur, de façon temporaire, grâce à une application de la Lance en présence du Graal; mais il ne peut ni être guéri complètement ni mourir de sa blessure. Il souffre d’un certain type d’angoisse et, étrangement, la seule façon d’atténuer la douleur de sa blessure est d’y insérer l’arme qui l’a infligée.

Cette situation étrange et tragique est complexifiée par une énigme concernant celui qui peut libérer la famille du Graal de sa séquestration, guérir le roi et atteindre à la réalisation spirituelle suprême. Les conditions présidant à cet événement ont été déterminées par les puissances supérieures et inscrites dans le code étoilé du zodiaque. A certaines périodes, l’écriture céleste apparaît tout autour du bord du Graal en expliquant comment elle doit se révéler par celui qui vient pour obtenir le Graal: il doit être le fils d’une veuve qui arrive par chance au Mont Salvage, sans chercher délibérément l’endroit, et sans connaissance préliminaire de sa mission. Le fait d’être un fou naïf et asocial le qualifie pour réaliser le Graal mais, en même temps, l’empêche de poser les bonnes questions qui le guident vers cette réalisation. De plus, les écrits sur le Graal déclarent que nul membre de la noble compagnie ne peut, en aucune façon, assister ou motiver le jeune chevalier. Il doit, de ses propres ressources, en venir à poser la question au roi du Graal “Oncle, de quoi souffrez-vous?”.

Tel est le cadre curieux qui attend le jeune héros, Perceval. L’histoire de Wolfram nous conte, avec moult détails, comment toutes ces intrigues se déploient sur un certain nombre d’années, incluant l’apprentissage de Perceval avec Trevrizent entre deux de ses visites du château du Graal. Durant toutes ces années intermédiaires, l’entrelacement se développe. Pendant le temps que Perceval passe avec Trevrizent, Gauvain s’en va par lui-même en quête d’aventures. Il rencontre Perceval pour la première fois dans le chapitre 6 et ils s’en vont ensemble chevauchant, vers la fin du chapitre, avant de se séparer. Les chapitres 7 et 8 décrivent les exploits espiègles de Gauvain, en amour et en chevalerie, tandis que dans le chapitre 9, l’histoire revient à Perceval et à sa rencontre décisive avec Trevrizent. Les chapitres de 10 à 13 reviennent aux aventures de Gauvain en ne faisant quasiment aucune mention de Perceval. Dans le chapitre 14, les deux héros sont réunis et l’entrelacement est achevé.

Telle est la structure narrative de Parzival. L’histoire est complexe et contient une énorme quantité de détails. Wolfram mentionne 277 noms de personnages, dont ceux des chiens et des chevaux. Il y a plus de 150 noms de localités, la plupart ayant été identifiés par les érudits avec des lieux-dits en France, au Pays de Galles et en Angleterre. Il y a aisément matière à se perdre. De plus, les paramètres de l’intrigue, qui sous-tendent l’action et déterminent le destin du personnage central, sont à ce point particuliers, alors que le suspense s’intensifie jusqu’au moment décisif, que nous sommes enclins à négliger un facteur crucial de l’histoire. L’insistance avec laquelle Perceval en vient à poser la question du Graal est tellement forte que nous nous désintéressons de la réponse à la question. Il semble que la Quête soit complétée lorsqu’il pose finalement la question à Amfortas. Mais qu’en est-il de la réponse à cette question? En fait, y a-t-il vraiment une réponse ou non? Dans le chapitre 16, Amfortas ne répond pas lorsque Perceval lui demande “Oncle, de quoi souffrez-vous?”. En d’autres mots, le vieux patriarche ne dit pas au jeune chevalier (et non plus à l’audience) quelle fut la raison de sa souffrance.

Nous ne connaissons pas, à partir du déroulement de cette scène, (chapitre 16) ce qui fut la cause de la blessure du roi du Graal même si nous sommes les témoins de l’acte qui le guérit.

Nul besoin de le dire, il existe quelque chose qu’il est crucial que nous sachions. Qu’avait Wolfram à dire quant à ce qui provoqua la blessure d’Amfortas? En fait, beaucoup à dire. Mais ce qu’il sait, il ne le dévoile pas dans le fil principal de l’histoire mais dans un fil secondaire d’entrelacement au travers des épisodes de Gauvain. Ce qu’il ne déclare pas ouvertement, et qu’il ne peut pas déclarer, est décrit dans une narration parallèle dont Gauvain constitue le personnage central.

 

Le Cri de l’Amour

Joseph Campbell consacre la plus grande partie de Créative Mythology, le quatrième volume de sa tétralogie Les Masques de Dieu, à une nouvelle version et à l’interprétation de la Légende du Graal. La nouvelle version commence au chapitre 8 et est étrangement appelée “Le Paraclet”. Il présente son synopsis par chapitres ou Livres: “Livre I: la Reine Noire de Zazamanc” et ainsi de suite. Les livres VII et VIII couvrent la première série d’aventures de Gauvain. Les livres X à XIV évoquent les aventures subséquentes, au coeur de la fable enthéogénique. (Soyez conscients du fait qu’en traitant  les livres X à XIV, Campbell insère de longues digressions qu’il appelle intermezzos. L’un est de 15 pages et un autre est de 30 pages. Vous pouvez sans problème passer ces digressions et en rester à son synopsis de l’histoire).

On ne peut que mettre au crédit de Campbell l’attention soutenue qu’il accorde aux épisodes de Gauvain. Il les développe de façon extensive, ce que nul autre érudit n’a réalisé avant lui. Et il dévoile même le secret initiatique qui est encodé dans ces épisodes, mais sans le définir comme tel. Créative Mythology fut publié en 1968. Il semble que Campbell était profondément impliqué dans les épisodes de Gauvain à cette époque et ce, en fait, depuis très longtemps. Son essai The Mythology of Love (publié dans Myths to Live By) fut développé à  partir de conférences données entre 1958 et 1971 à Cooper Union à New York. Cet essai attribue beaucoup d’importance à la façon dont le roi du Graal reçut sa blessure.

Dans les aventures de Gauvain, le principal protagoniste féminin, qui est aussi une formidable antagoniste, est la baronne voluptueuse, Orgeluse. Campbell nota:

“Il est intéressant que Wolfram fasse de cette même personne la maîtresse d’Amfortas et la personne dont l’amour a causé sa blessure et sa souffrance”.

La maîtresse d’Amfortas? Voici l’entrelacement à l’oeuvre. Dans le script de Parzival, Trevrizent décrit la blessure d’Amfortas (chapitre 9) mais sans entrer dans des détails très explicites: Amfortas “se choisit un amour de femme qui lui sembla de bonnes manières” (478, Edwards). C’est Orgeluse mais elle n’est pas nommée. “’Amour’ était son cri de bataille”, dit Trevrizent à Perceval dans sa révélation partielle de l’événement à l’origine de la blessure. Au grand dam de son peuple, le roi s’en fut chercher des aventures et des plaisirs féminins. Alors, “il fut blessé dans une joute par une lance empoisonnée… C’était un païen qui combattait là et le provoqua dans cette joute – né en Ethnise, où le Tigre s’écoule du Paradis”. C’est tout ce que nous obtenons, en termes de détails, dans la narration de Trevrizent du chapitre 9.

Le chapitre 9 contient, cependant, des indices particuliers quant à ce qui va se dérouler ensuite dans l’entrelacement: Trevrizent – frère d’Amfortas, souvenons-nous – décrit comment la famille s’occupa du patriarche blessé quand il revint à son domaine. Il explique qu’aucun ouvrage médical n’offrit de cure contre la blessure empoisonnée. La famille souhaitait ardemment guérir le roi plutôt que de se satisfaire du soulagement amené par la lance sanglante. Ils eurent recours à des mesures extrêmes: “Nous obtînmes le rameau même que la Sybille montra à Enée…” (482). (Le rameau d’or d’Enée est identifié communément au gui, la plante parasite sacrée des Druides). Et, pour faire bonne mesure, ils obtinrent du sang du pélican, pour la potion médicinale. Ces remèdes ne suffirent pas. Ils extrayèrent ensuite le coeur d’une licorne et enlevèrent son oeil de joyau, enchâssé dans l’os frontal. Et ils poursuivirent avec les arts magiques: “nous obtînmes une plante appelée herbe du dragon” (trachonte dans l’original); réputée croître à partir du sang d’un dragon occis et être efficace en suivant la rotation de “l’orbite du dragon” (les absides de la lune dont la rotation est un cycle de 18,6 années). Ils continuèrent de traiter la blessure avec la Narde jatamanshique et l’Aloe vera, mais sans résultats.

C’est un bon inventaire de cures magiques et pharmacologiques. Bien que Wolfram révèle le secret dans ce passage – le rameau d’or – il ne dévoile, cependant, pas l’histoire de la manière dont la plante est corrélée, non pas à la guérison de la blessure du roi, mais à l’acte de blessure même. C’est le secret de ce qui fait souffrir le patriarcat, à savoir la cause primordiale de la pathologie de domination.

Dans les épisodes sur Gauvain, nous avons accès à toute l’histoire, racontée par la femme qui précipita l’événement de la blessure d’Amfortas.

Orgeluse de Logrois (le nom Gallois de l’Angleterre à l’est de la rivière Severn) est son nom. Quel monument elle est. “A l’exception de Condwiramurs, nulle autre personne ne naquit plus belle. Cette femme était douce et rayonnante, bien proportionnée et courtoise (vive, irrépressible)… Elle était un appât du désir d’amour, douceur sans douleur, et une arbalète du coeur” (chapitre 10, 508 ). Voluptueuse et insolente, Orgeluse raille Gauvain dès leur première rencontre. Elle le provoque en le repoussant, en lui faisant savoir qu’elle est source de problèmes. Il s’avère qu’elle agit de la sorte en raison de ce qui se passa avec Amfortas. La duchesse Orgeluse est la femme fatale intimement impliquée dans la blessure du roi du Graal.

 

La Plante qui Parle

“Un chagrin comparable – et même plus grand – que celui que Cidegast me donna, me fut donné par la blessure d’Amfortas” Orgeluse s’adressant à Gauvain (chapitre 12: 616).

Les chapitres 10, 11 et 12 présentent longuement la contre-intrigue complexe de l’entrelacement, en décrivant ce qui arriva à Orgeluse pour qu’elle se mette dans de telles difficultés. Nous apprenons que lorsqu’Amfortas tomba amoureux d’elle, c’était déjà une femme souffrant d’une dure destinée. Elle devait vivre avec un passé douloureux. Elle avait vécu un mariage très heureux avec le roi Cidegast, un homme qui était en fait une licorne. Ce fut le noble homme-animal qui obtint l’amour d’Orgeluse. Elle l’appelle beas amis “amant magnifique”, un terme de base de l’amour courtois. Beas est une forme archaïque du latin beatus, “consacré, béat). C’est la racine latine du mot “béatitude”, le terme utilisé pour traduire le Grec makarios qui est récurrent dans le Sermon sur la Montagne: “Bienheureux …”. Dans Ancient Mystery Cults, Walter Burkert explique que makarismos était le titre donné “pour célébrer le statut béni de ceux qui ont ‘perçu’ les mystères”. En d’autres mots, ceux qui ont contemplé la Lumière Organique. Nous avons de nouveau cette extraordinaire convergence: la connaissance des Mystères et le culte de l’amour. Le meilleur amant est “un ami béni”, celui a contemplé la Lumière Divine.

Lorsque Cidegast fut tué, Orgeluse ne perdit pas seulement son premier amour. Elle perdit la connexion avec tout ce qu’il représentait. Je soutiendrais que la licorne est une version du Mesotes, l’animal totémique mystique de la quête de vision Européenne. La corne unique, blanche et spiralée est une image du “puits” doux de Lumière Organique qui pénètre l’adepte en transe et en contemplation au travers du troisième oeil – l’escarboucle de l’os frontal de la licorne. Wolfram entrelace la connaissance alchimique et la connaissance des plantes médicinales dans les deux narrations avec beaucoup de finesse.

La perte pour Orgeluse est aussi une perte pour l’humanité: le corps sensuel de la femelle déconnecté de son potentiel mystique et privé de l’homme qui puisse le contempler et l’adorer. C’est une partie de la blessure, la perte de la capacité d’éprouver le plaisir charnel – ou d’éprouver l’abandon orgasmique, selon l’expression de Wilhelm Reich.

Mais qui a tué Cidegast? Et pourquoi? Orgeluse dit à Gauvain: “Il fut occis par le roi Gramoflanz, auquel vous avez pris cette guirlande” (chapitre 12:613). Cette révélation essentielle fait partie d’une mise en scène car Orgeluse a demandé à Gauvain de décrocher la guirlande plus avant dans le chapitre, avant qu’elle ne lui parle du roi Gramoflanz. Observons de près ce nom. Le suffixe -flanz rappelle l’Urphlanze, la “plante primordiale” de Goethe. Flanz est du vieil Allemand pour “plante” et devient ce mot anglais par interversion des consonnes. Gramo- veut dire littéralement “je parle” mais Gramo- fait aussi référence à l’écriture, aux lettres, au langage, à la grammaire et est corrélé à “grimoire”, invocation magique.

En bref, le terme gramoflanz signifie “plante qui parle” ou “langage de plante”.

Le récit de la manière dont Gramoflanz tua Cidegast fait partie de la triste romance d’Orgeluse, la demoiselle en détresse qui va être sauvée par son nouvel amour, Gauvain. En même temps, c’est une partie de la fable enthéogénique inscrite au coeur même de la Légende du Graal: l’histoire d’une “plante qui parle” figure dans la blessure du roi du Graal, l’image paternelle.

 

Connaissance Interdite

A partir du chapitre 10, l’histoire se complexifie assez. En voici, en trois paragraphes, un synopsis.

Après avoir rencontré Orgeluse, Gauvain pénètre dans une terre enchantée “gouvernée par des lois d’une étrange compulsion de crépuscule” (Creative Mythology, page 492). Attiré dans l’enchantement de par son attrait pour Orgeluse, le chevalier ne prend pas tout de suite conscience qu’elle en est complice mais elle maintient aussi la magie ouverte à son intervention. La source réelle de l’enchantement est le sorcier maléfique Klingsor. Du balcon du château de Klingsor, Gauvain voit Orgeluse dans les bois en-dessous. Lorsqu’il chevauche pour aller à sa rencontre, elle le défie par un test ultime: “Vous devez m’obtenir une guirlande qui pend de la branche d’un certain arbre… C’est ainsi que vous pouvez chercher à gagner mon amour” (chapitre 12:600).

Dès que Gauvain entre dans le bois pour décrocher la guirlande, “il vit un chevalier splendide qui chevauchait vers lui sans armes, portant un bonnet de plumes de paon et un manteau de soie de la couleur de l’herbe verte bordé d’hermine, d’une telle longueur qu’il traînait au sol des deux côtés” JC, page 498). C’est le roi Gramoflanz, gardien de la guirlande magique, tueur de Cidegast et serviteur de Klingsor.

Orgeluse s’attriste que Gramoflanz ait tué Cidegast mais elle s’attriste tout autant qu’elle ait engagé plusieurs chevaliers contre Gramoflanz, dont Amfortas, qui fut empoisonné par une lance magique forgée par Klingsor et portée par Gramoflanz. C’est la lance sanglante de la communauté du Graal (la noblesse de l’Europe). Et il y a encore un coup de théâtre sinistre dans l’intrigue: tout comme Amfortas, Klingsor fut castré par une blessure. Pour se venger de ce qui lui fut infligé par le mari de la femme qu’il a séduite (ou violée), il place le monde naturel sous un enchantement maléfique afin qu’il puisse en interdire l’accès à ses pouvoirs de guérison. Maintenant que Gauvain a décroché la guirlande, l’enchantement peut être levé mais Gramoflanz exige une joute avec Gauvain car la guirlande était sous sa protection.

Voilà tout le sous-script de Parzival, le coeur de la principale fable enthéogénique dans la légende Arthurienne. Il décrit comment le pouvoir de haine envers la vie, de répression et de négation du sexe, du patriarcat (Klingsor) dénie à l’humanité sa connexion avec la magie mystique des plantes. Mais ce “déni” fait partie de l’enchantement placé par Klingsor et le pouvoir de l’envoûtement paternel est dépendant d’un mensonge. En réalité, le refus de l’accès à la puissance magique de la “plante qui parle” dépend de la plante et non des pouvoirs du patriarcat. Le sorcier place un enchantement sur le bois sacré (“le bois de Klingsor”), mais en réalité, la patriarche blessé n’a pas le pouvoir de contrer la puissance de la plante. Il peut en interdire la connaissance mais il ne peut pas interdire la connaissance qu’elle donne. L’illumination mystique est un exploit héroïque réalisé en décrochant la guirlande, c’est à dire, en ingérant la plante. C’est la plante elle-même, et non point une agence humaine, qui confère ou retire l’accès à ses secrets médicinaux, mystiques et cognitifs. C’est ainsi que Gramoflanz, “la plante qui parle”, garde le bois enchanté.

Considérons la beauté de l’entrelacement: le combat de Gauvain contre Gramoflanz représente une épreuve shamanique par laquelle le héros gagne, de la guirlande magique, la connaissance de vaincre l’envoûtement de Klingsor. La levée de l’enchantement sur la terre gaste dépend autant de l’aventure de Gauvain que de la bonne question posée par Perceval. La Quête du Graal encode une fable enthéogénique qui est, avec le motif de la question, la seconde clé de la réalisation du Graal. Les conditions auxquelles doivent faire face à la fois Perceval et Gauvain doivent être maîtrisées afin que la Magie du Graal soit réalisée et libérée. La guérison de l’humanité dépend du désenvoûtement de la fausse magie des perpétrateurs, les tyrans paternels qui interdisent la connaissance extatique parce qu’elle constitue l’unique et principale menace pour leur domination.

Le pouvoir de cette fausse magie consiste à nous convaincre qu’elle puisse interdire la connaissance qui provient du monde végétal, alors qu’en réalité, elle ne peut qu’interdire la connaissance de ce monde végétal.

Toute histoire possède une morale et la légende du Graal peut assurément en offrir quelques unes. Afin de profiter des leçons contenues dans cette histoire fantastique et complexe, il nous faut nous poser les questions que cette histoire suscite en nous, de façon imaginative, une fois que nous avons pénétré assez profondément au coeur de la narration. Par exemple, nous pouvons demander comment les patriarches  blessés rendent inaccessible la connaissance de la magie des plantes. Réponse: ils utilisent les outils de l’anathème et du tabou. Ils déclarent: “Vous ne devriez pas acquérir cette connaissance”. Mais l’outil du tabou n’est pas efficace en soi. Les instincts humains sont trop forts et trop sains pour être détournés de quelque chose que les humains connaissent au plus profond d’eux-mêmes, et qui est en fait une connaissance somatique. Le tabou ne va fonctionner que si la chose à interdire est diabolisée, que si on la fait apparaître mauvaise, dangereuse et satanique.

Depuis l’époque de l’Ancien Testament, les théocrates (c’est à dire les tyrans patriarcaux et leurs agents de contrôle, les prêtres urbains) tentèrent de diaboliser l’expérience intime des peuples indigènes qui communiquaient directement avec le monde non-humain. Il est plus que probable que la répression de telles expériences commença avec l’essor de l’agriculture parce que la relation humaine aux plantes en tant que nourriture en production de masse est incompatible avec la relation à la nourriture totémique qui est caractéristique de tous les peuples indigènes.

Non seulement le paradis Edénique du monde des plantes fut catalogué comme mauvais et étranger mais ceux qui étaient les porteurs de la connaissance magique et de guérison, acquise de ce monde, furent aussi diabolisés. Les preuves historiques de ce phénomène sont claires comme le jour. Les récits par l’Eglise de la persécution des Gnostiques célèbrent la bataille entre Saint Paul et le “sorcier” Simon Magus qui fut jeté à bas d’un vol magique par l’art supérieur de l’apôtre. Hypatia fut diabolisée par les groupes Chrétiens d’Alexandrie et alors qu’elle était massacrée, Pierre le lecteur hurlait des accusations à son encontre en l’appelant une vile sorcière et une servante de Satan.

Satan, et tout ce qui est satanique, est une création du patriarcat blessé comme une ruse pour effrayer l’humanité et la projeter dans l’impuissance en lui interdisant l’accès à la magie naturelle qui a soigné et guidé notre espèce depuis des temps immémoriaux.

Afin de vaincre le Mensonge Paternel, il faut exposer la fausseté de sa puissance – exactement ce qui se passe dans le Sorcier d’Oz. Le pouvoir du “satanique” repose dans ce qu’il est une invention qui fonctionne par le pouvoir (et la croyance) qui lui est conféré par ceux vers lesquels il est dirigé. Tous les sorciers qui ne sont pas consacrés aux puissances de la terre sont faux et ils doivent faire en sorte de faire apparaître la magie terrestre authentique comme maléfique, néfaste pour le corps et l’esprit. Le satanisme existe mais il est la contre-projection d’une poignée d’individus dont la blessure psycho-sexuelle projette une ombre morbide dans la vie psychique de l’humanité. Les agents du satanisme cataloguent la magie du Graal comme étant satanique. C’est leur stratagème principal. Ils veulent, par exemple, que nous imaginions le Diable en train de semer des champignons.

Le véhicule du pouvoir satanique est le Mensonge, Drugh en ancien Persan. Dans une large mesure, la propagation du mensonge consiste en une campagne contre les “drogues” qui perdure depuis que Yahvé a interdit à Adam et à Eve de consommer du fruit de l’Arbre Sacré. Dans une large mesure, le Mensonge fonctionne parce que les “drogues” interdites ne sont pas des drogues tandis que les drogues qui sont réellement des drogues ne sont pas interdites mais colportées sur une vaste échelle par les autorités en place. C’est une tactique fondamentale de contrôle mental: interdire l’accès aux pouvoirs sacrés de la nature et encourager toutes sortes de toxicomanies non naturelles. Tout le monde est au courant des drogues que le patriarcat fournit au monde entier, à la fois légalement et illégalement, mais quasiment rien n’est connu des élixirs naturels qui véhiculent la connaissance de la survie humaine et assurent l’indépendance vis à vis du système dominant.

Les contrôleurs paternels ont raison au sujet d’une chose: les élixirs naturels sont “une menace pour la société”. Ce n’est pas un mensonge, mais la vérité de cette assertion est également quelque chose dont ils ne veulent pas que la connaissance se répande: à savoir, les élixirs de plantes confèrent une connaissance qui transcende le cadre et les contingences de n’importe quel ordre social parce que les instructeurs-plantes sont les gardiens des secrets de la survie à long terme de l’humanité. Les contrôleurs ont désespérément besoin de nous pour que nous nous attachions aveuglément à la société (c’est à dire l’identité de famille, la culture, la religion, la nationalité, l’éducation, le conditionnement), parce qu’ils peuvent manipuler la société alors que le programme phylogénétique de l’espèce humaine est tout autant au-delà de leur contrôle qu’il est au-delà de leur compréhension.

 

La Guirlande Magique

Nous avons souligné une forte présence de connaissance alchimique et de connaissance de plantes médicinales dans le chapitre 9 lorsque Trevrizent explique la blessure d’Amfortas à Perceval. Mais il y a plus à venir, beaucoup plus.

Dans sa nouvelle version des épisodes de Gauvain, Joseph Campbell glane la connaissance des plantes médicinales qui se déploie dans les chapitres 10, 11, 12 et 13. Avant de rencontrer Orgeluse, Gauvain rencontre un chevalier blessé qu’il soigne avec un onguent herbal. Il ne le sait pas mais il est déjà dans le jardin enchanté de Klingsor (lire: le royaume de la magie des plantes, mais sous l’emprise du tabou paternel). Il rencontre Orgeluse en un endroit où l’eau jaillit du roc près d’un tilleul. Dans la tradition Européenne, le tilleul est communément corrélé aux actes shamaniques de magie. Lorsqu’il écrivit sur les Scythes, Hérodote dit que les “Enareer” (les shamans mâles-femmes ou travestis parmi les Scythes) qui recevaient des pouvoirs prophétiques d’Aphrodite “utilisaient l’écorce de tilleul qu’ils fendaient de trois façons, l’entouraient autour de leurs doigts et la relâchaient tout en proférant des formules magiques”.

Orgeluse raille et insulte fréquemment son chevalier servant. Quelque minutes après leur première rencontre, elle le tourne en ridicule pour avoir soigné le chevalier blessé avec un onguent médicinal, attirant l’attention, bien que de façon négative, sur sa connaissance de la médecine par les plantes. Dès qu’ils se rencontrent, un petit monstre apparaît sur la scène, Malcréature, une sorte de nain déformé, la contrepartie mâle de Kundrie la Sorcière. Le narrateur explique que ses difformités sont dues à des femmes ingérant des plantes non appropriées durant la grossesse. Cependant, Malcréature est “parent des plantes et des étoiles” (JC, page 473). Dans le script de Parzival, Kundrie apporte des plantes et des potions médicinales à la famille du Graal qui est piégée dans l’enchantement de la Terre gaste et ici, dans le bois enchanté, sous l’envoûtement de Klingsor, Malcréature présente sa contrepartie exacte. Campbell dit judicieusement: “les deux enchantements sont réciproques”.

En fait, Wolfram nous dit que Malcréature et Kundrie furent tous deux envoyés à la famille du Graal par le Reine Secondille, la femme Arabe de Fierfiz, le demi-frère de Perceval avec lequel il est réuni dans le chapitre 16. (Je pense, personnellement, qu’il en fait un peu trop au niveau de l’entrelacement, à ce point). En élaborant cette partie de l’histoire, Wolfram transmet un message enthéogénique fondamental concernant les peuples originels ou indigènes: “Notre père Adam, qui nomma toutes choses selon leur nature, connaissait les mouvements des étoiles et des sept sphères et connaissait aussi les vertus des plantes” (JC, page 472). Et voilà, tout est dit en une seule phrase, tout ce que les théocrates ne veulent pas que nous sachions quant à nos origines et à nos ressources innées!

Campbell sous-titre le chapitre 12 de Parzival “Le Roi des Bois”. Comme nous l’avons souligné ci-dessus, Trevrizent dévoila le secret de la fable enthéogénique dans le chapitre 9 lorsqu’il mentionna le Rameau Sacré d’Enée. Quiconque aura lu Frazer va totalement frissonner de plaisir à cette révélation. Imaginez donc: le motif du Rameau Sacré ne se trouve pas juste au coeur de la légende du Graal, il est, de plus, ouvertement évoqué par un personnage dans l’histoire! Et quel est le motif du Rameau Sacré? Et bien, à part ce que j’appellerais le vernis de Frazer (cette notion sera élaborée dans les leçons subséquentes), le Rameau d’Or est le thème mythique qui  symbolise le facteur enthéogénique dans la royauté sacrée – mais il le symbolise de travers, comme nous le verrons plus tard lorsque nous prendrons en considération la théorie de Carl Ruck quant à la consécration royale.

A ce point de l’exposé, il serait opportun de se poser la question suivante: quelle sorte de plante était la guirlande magique que Gauvain décrocha à la requête d’Orgeluse?

Le Professeur Carl Ruck, qui enseigne le Latin et le Grec ancien à l’Université de Boston, a été intimement impliqué dans le renouveau enthéogénique. Il est le co-auteur de The Road to Eleusis et Persephone’s Quest avec Gordon Wasson. Dans les Apples of Apollo, Ruck considère que les pommes du Jardin des Hespérides sont un code pour diverses plantes enthéogéniques utilisées dans les pratiques shamaniques de l’ancienne Europe. “Les pommes et les pommes d’or ont été des noms de code pour les champignons partout où les pommes et les champignons sont connus, même à ce jour” (page 50), écrit-il, suggérant que Amanita muscaria est très vraisemblablement le champignon spécifique encodé dans ce fruit inoffensif.

A mon avis, le débat sur l’amanite – à savoir, la question de savoir comment elle était utilisée, dans quels rites shamaniques spécifiques, et quelles sortes d’effets psycho-actifs elle induit – a un grand avenir devant lui et n’a pas même été clairement formulé. Quant à la guirlande magique dans Parzival, je pencherai pour Datura stramonium, la Stramoine, qui est illustrée dans l’ouvrage de Bosch Le Jardin des Délices. La stramoine est très proche de Datura inoxia, l’Herbe du Diable dans les récits de Castaneda, et de Datura metel, la Stramoine bubescente. L’association du Datura avec Orgeluse est naturelle car les fleurs allongées en forme de cloches de cette plante exsudent un parfum de sensualité séductrice et dangereuse. On pourrait presque dire qu’Orgeluse est le Datura sous une forme de femme.

Datura stramonium est répandue dans le centre et le sud de l’Europe et très prolifique en Allemagne et en Suisse. Dans le folklore Allemand, elle est appelée crûment tollkraut. Fidèle à son ton railleur, Orgeluse fait un commentaire acerbe sur le fait que Gauvain paye un péage au gué qui marque la limite du jardin enchanté. Traditionnellement, les chevaliers étaient exemptés du paiement de tels péages où qu’ils aillent. Les railleries de la femme fatale attirent, de nouveau, l’attention vers les aspects enthéogéniques de la narration. Le Datura est connu pour être utilisé par les shamans dans la finalité de tuer et d’envoûter. C’est l’allié parfait pour Gauvain lorsqu’il arrive sous l’emprise de l’enchantement de Klingsor.

A ce point, la question suivante se pose: dans quelle mesure la connaissance enthéogénique a t-elle été reconnue dans la matière Arthurienne? Marion Zimmer Bradley, l’auteur de l’ouvrage féministe plus que best-seller, Les Brumes d’Avallon, (1982) représente, bien sûr, ses personnages sorcières comme adeptes de la magie des plantes. Ce sont des femmes très sexy et très au fait des voies de la nature et ce sont des versions d’Orgeluse et de Kundrie. Dans un roman ultérieur et moins connu, La Trahison des dieux, (1987) Bradley dépeint l’initiation enthéogénique de son héroïne, Cassandra l’Amazone. La scène se passe à Eleusis, et la décoction d’ergot utilisée s’appelle le kykéon.

Mais tout cela est de la fiction historique. Les érudits orthodoxes ne permettent pas de telles corrélations. Les érudits du Graal, tels que R. S. Loomis, trébuchent sur tous les indices enthéogéniques mais sans les identifier en tant que tels. Même R. Gordon Wasson déclara qu’il ne réussit pas à découvrir des preuves pour sa théorie enthéogénique de la religion dans le trésor de légendes et de mythes Celtiques qui engendrèrent la matière Arthurienne. C’est le comble de l’absurdité, bien sûr, lorsque l’on pense que la première chose que l’on entende en Irlande concerne “le petit peuple”, les lutins qui s’assoient sur les champignons vénéneux et les belles sorcières qui dansent dans les cercles de fées dans lesquels poussent les champignons qui suivent les dessins en spirales du mycélium dans le sol. Dans Plowing the Clouds – the Search for Irish Soma, Peter Lamborn Wilson souligne que le mot Gaélique “pookie”, esprit de la nature, signifie champignon magique.

(Il est peut-être plus significatif que Wasson dit n’avoir trouvé aucune évidence d’utilisation enthéogénique chez les peuples Italiques. Si cela est vrai, cela peut contribuer à expliquer le problème des impulsions fascistes incompréhensibles parmi les peuples du Latium dont le système culturel unique a produit l’Empire Romain. Pouvons nous associer le manque d’expérience enthéogénique avec l’institution sociale de la violence? Il est plus que probable que nous le puissions. Ce fut le cas avec la culture Hébraïque qui en vint à fusionner, de façon désastreuse, avec les desseins de l’Empire.)

 

Grande Surprise

Aucune plante magique n’est une drogue malgré que le Mensonge Paternel voudrait nous le faire croire. Nous pouvons dénommer élixirs toutes les plantes psychoactives, incluant les champignons et toutes les potions et les substances à fumer qui en dérivent. Ce mot vient de l’Arabe, al, pour “le” et ixir pour “pierre”. Dans le Parzival de Wolfram, le Graal est une pierre, notoirement appelée dans du latin de cuisine  avec un zeste de calembour Arabe “lapsit exillis”. Comme nous l’avons déjà expliqué, “la pierre qui est tombée du ciel” est le corps de substance primordiale de l’Eon Sophia, un courant massif de luminosité vivante et consciente. Le Graal est la Lumière Organique et certains élixirs de plantes sont des guides vers la Lumière. Dans Parzival, Wolfram encoda le secret pratique des Mystères: comment les initiés utilisent une décoction enthéogénique ou une plante psycho-active pour dissoudre la fixation de l’ego et rencontrer la luminosité vivante, ondulante et blanche laiteuse, la Lumière Blanche visible.

Les survivants des Mystères trouvèrent tout d’abord protection parmi les tribus Celtes de l’arrière-pays Gallois. Dans la quête du Graal, la transmission des Mystères continua d’une manière telle que l’identité du Graal tout comme les instruments de son accès – les élixirs naturels – furent encodés dans la légende destinée à devenir “le mythe séculaire qui est aujourd’hui la force spirituelle qui guide l’Europe de l’ouest” (Creative Mythology, page 564) – le vrai node lumineux de la mythologie créatrice.

Est-il surprenant qu’une fable enthéogénique soit au coeur du mythe prépondérant et directeur en Occident?

Si nous y pensons bien, la Genèse , qui fonde le mythe structurant du patriarcat, contient une fable enthéogénique: Adam et Eve mangeant du fruit défendu. Qui plus est, Gilgamesh, la narration héroïque la plus ancienne qui ait survécu, contient une fable enthéogénique: la quête pour la plante magique de l’immortalité. Le festival folklorique de Noël, l’événement mythique le plus largement célébré dans le monde, est entièrement enthéogénique: le rouge et le blanc du Père Noël représentent l’Amanita muscaria; l’arbre de Noël est le sapin dont le système racinaire abrite symbiotiquement le mycélium du champignon, les rennes sont des animaux shamaniques qui consomment les amanites et comme les shamans, volent à travers les cieux.

On se demande combien d’autres mythes fondateurs et de festivals folkloriques sont encodés avec des connaissances enthéogéniques. Cela pourrait fournir le thème d’une étude fascinante. Mais pour défier et vaincre le Mensonge Paternel, deux exemples sont essentiels: la Genèse et la Légende du Graal. La première est une tentative du patriarcat de placer un tabou, par l’écriture, sur la magie naturelle et le second est une source d’inspiration pour recouvrer cette magie. Le chemin vers le Graal est le chemin de retour vers la maison, le retour vers Gaïa-Sophia dans toute sa splendeur, le paradis naturel dans lequel l’humanité est née et renaît perpétuellement.

John Lash. 22 juillet 2006. Flandres.

Traduction de Xochi